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Guennadi Rojdestvensky









Claude Debussy, à propos du légendaire chef allemand Hans Richter:

" Si Richter ressemble à un prophète, quand il dirige l'orchestre, c'est le bon Dieu... Pendant que sa main droite armée d'un petit bâton sans prétention assure la précision des rythmes, sa main gauche se multiplie, indiquant à tout le monde ce qu'il doit faire. Cette main est ondoyante et diverse, sa souplesse invraisemblable. Puis, lorsqu'on croit qu'il n'y a vraiment pas moyen d'avoir plus de richesse sonore, ses deux bras se lèvent à la fois, l'orchestre bondit à travers la musique avec une fougue irrésistible. »

D'où ce personnage que l'on aperçoit de dos, d'où ce "bon Dieu" vénéré, d'où cet homme armé d'un "simple petit bâton sans prétention" tire t-il le mystérieux pouvoir - car il en a un - qu'il exerce sur un groupe d'une centaine de musiciens, et sur le public? D'un savoir? D'un rapport particulier avec la musique? D'une emprise psychologique qui lui est propre? D'une technique? Et cette dernière, si elle existe, comment peut-on la définir? La fonction qui est la sienne consiste t-elle seulement à faire jouer ensemble ces personnes qui semblent à peine le regarder tant ils paraissent concentrés sur la partition qui se tient sur leurs pupitres, à coordonner des volontés ou des non-volontés divergentes? Ou bien est-il en mesure d'imprimer à la musique qu'il "dirige" sa marque, en un mot, d'interpréter? Et comment y parvient-il? Par la terreur? Par des moyens "démocratiques"? Par la force de sa conviction?
Bref, que fait-il, comment le fait-il, à quoi sert-il?

Concerto de Bartok avec Yehudi Menuhin - Moscou, 1987


Telles sont quelques unes des questions abordées dans ce film sur le plus grand chef d'orchestre russe actuel, sur l'un des plus fameux Kapellmeister de notre époque, Guennadi Rojdestvensky.

Fameux? Voire. Car s'il est l'une des personnalités les plus en vue du monde musical de son pays, le Maestro Rojdestvensky possède un terrible défaut: un nom paraît-il impossible à prononcer ou à retenir pour tout public non slave. Contentons nous de dire ici en passant que ces quatre syllabes apparemment récalcitrantes à la lecture ne signifient rien d'autre, en russe, que Denoël. Monsieur Denoël.

Quoi qu'il en soit, à l'époque soviétique, et cela depuis ses débuts à l'âge de 20 ans, il y a un demi-siècle, Guennadi Rojdestvensky-Denoël fait partie, en compagnie de David Oïstrakh, Sviatoslav Richter, Mstislav Rostropovitch et Emile Guillels, mentionnés plus haut, du quintette des musiciens les plus exportés en provenance de Moscou. Il est l'une des gloires incontestées du pays. Titulaires de postes prestigieux au Bolchoï, à la tête de l'orchestre radio symphonique d'état d'Urss, puis fondateur de son propre orchestre dans les dix dernières années de l'Union soviétique, il est aussi le premier soviétique (une incroyable nouveauté à l'époque!) à être nommé chef principal de divers orchestres étrangers: celui de la BBC à Londres, l'orchestre symphonique de Vienne, et l'orchestre philharmonique royal de Stockholm. De Tokyo à Chicago, en passant par Berlin, Londres ou Paris, toutes les plus brillantes phalanges symphoniques du monde ont joué sous sa direction. Sa discographie proliférante, et très révélatrice de son insatiable curiosité, fait de lui le chef le plus enregistré de tous les temps, et compte à l'heure actuelle 786 numéros!

Guennadi Rojdestvensky possède plus de 2000 œuvres à son répertoire, et s’est fait l’ardent propagandiste à travers le monde de partitions méconnues dues à la plume de grands compositeurs tels que Chostakovitch, Prokofiev, Alfred Schnittke, Benjamin Britten et John Taverner, qui furent ses amis et dont il est l’interprète privilégié. Au cours des seules dix dernières années, il assuré la première d’une bonne trentaine d’œuvres nouvelles.

avec Chostakovitch à Moscou


C’est le chef de la couleur et du rythme, qui subjugue les orchestres aussi bien que le public par la magie d’une battue très particulière ; tour à tour humoristique ou implacable, débonnaire ou burlesque, et qui puise son imagination aux sources mêmes de la musique.

Bref, un immense chef d'orchestre, doublé d'un personnage particulièrement avenant et pittoresque. Personne, plus que lui, ne nous semblait à même de traiter la thématique exposée ci-dessus avec autant de saveur et de clarté.

Bruno Monsaingeon.


sur Guennadi Rojdestvensky :



2010 - Lucas Monsaingeon - Idéale Audience